Accident de car : « Après un tel drame, on ne guérit pas »

Après l’état de choc, les larmes et le deuil, comment un village, une école, une famille arrivent-ils à surmonter l’insurmontable ?

Il y a bientôt quatre ans, Allinges, une petite ville de Haute-Savoie, située à quelques kilomètres de la frontière suisse, a vécu un drame analogue à celui de Sierre. Le 2 juin 2008, lors d’une sortie scolaire, sept élèves de cinquième du collège de Margencel ont trouvé la mort à la suite d’une collision entre leur car et un train express régional au passage à niveau de Mésinges. Touché au plus profond par la disparition de ses élèves, le professeur qui accompagnait la sortie s’était suicidé un mois et demi plus tard. Toujours en attente du procès qui doit faire la lumière sur cette catastrophe, les proches des victimes, les élèves et les habitants semblent loin d’avoir ­relégué ces souvenirs douloureux dans un coin de leur mémoire. « On ne dépasse pas un drame comme celui-là, on vit avec, confie le maire d’Allinges, Jean-Pierre Fillion. Toute la population est touchée. Il ne se passe pas un jour sans que quelqu’un en parle. Cela n’a pas de répercussion directe sur notre vie, mais c’est toujours dans l’air. »

« On ne guérit pas. La vie continue, c’est tout. Cet accident est inscrit dans notre ADN », décrit David Heraclide, père d’une élève qui a survécu à l’accident et porte-parole de Sourires des anges, l’association créée en février 2009 pour rassembler les proches des victimes. Aujourd’hui encore, elle œuvre activement pour panser les plaies.« Les familles ont besoin de partager avec d’autres personnes qui ont vécu l’accident dans leur chair, raconte David Heraclide. Certaines se sentent coupables d’avoir encore leur enfant, d’autres de l’avoir perdu, certaines veulent se couper de tout, d’autres veulent tout partager. Certaines ont besoin de se rétablir doucement, d’autres ont besoin de batailler. Chacun a son cheminement. » Pour tous, la récente mise en examen de la SNCF et de RFF a marqué une étape importante. Le procès, prévu en novembre, en sera une autre.

« Un moment très dur »
Après la prise en charge des cellules de soutien psychologique, l’association a dans un premier temps offert aux élèves du collège de Margencel les services d’un professeur d’art-thérapie. Une mère impliquée dans la catéchèse s’est rendue disponible pour écouter tous les collégiens et parents désireux de se confier. La reconstitution de l’accident a aussi joué un rôle central dans le chemin de la reconstruction. « C’est un moment très dur, mais il permet de dépasser l’émotion, de sortir de l’imaginaire et de prendre conscience de l’accident en se fondant sur des éléments concrets », souligne David Heraclide. En mémoire des disparus, l’association a fait ériger en juin 2009 une stèle dans les ruines du château des Allinges, à l’endroit où les collégiens ont vécu leur dernier moment ensemble. « C’est important d’avoir un lieu de recueillement collectif. Cela aide à dépasser sa propre douleur, à se sentir moins seul, relève le porte-parole de l’association. Nous organisons aussi des événements sportifs fédérateurs afin de mettre en avant un souvenir moins morbide. » Grâce aux dons,Sourires des anges subventionne enfin des séances de formation aux premiers secours pour les classes de troisième du collège. Une action qui tient également lieu de symbole.

Agnès Leclair, Le Figaro - 15 mars 2012


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