Abdeslam jugé à Bruxelles : « Il utilise ce procès comme une petite tribune »

Les associations françaises de victimes des attentats du 13 novembre ont exprimé leur déception face à l’attitude « mutique et provocatrice » de Salah Abdeslam.

Ils s’étaient convaincus de ne « rien attendre de Salah Abdeslam » mais expriment leur déception face à son refus de répondre aux questions du tribunal de Bruxelles sur la fusillade de Forest. « Il est fidèle à son attitude de mutisme et de provocation. Il utilise ce procès comme une petite tribune. On n’en tirera rien de plus », estime Olivier Laplaud, vice président de Life for Paris, confessant qu’il lui a été difficile d’affronter cette audience.

« Il est compliqué de plonger ses yeux dans ses yeux, de le voir sourire, de le voir provoquer comme ça », confie ce survivant de la tuerie du Bataclan à la sortie de l’audience du matin, où trois autres représentants des associations de victimes françaises des attentats de Paris et Saint-Denis étaient présentes.

Face à la présidente du tribunal, refusant de se lever de sa chaise, Salah Abdeslam a proclamé sa volonté de silence et expliqué s’en remettre à Allah. « Maintenant, jugez-moi, c’est en Allah, mon seigneur, que je place ma confiance », a formulé d’une voix forte le seul survivant des commandos terroristes du 13 Novembre.

« Pour nous, parents, survivants, c’est évidemment douloureux »

« Cette proclamation était clairement une provocation. Ce n’est qu’une confirmation qu’il n’y a rien à en attendre pour la suite », déplore Philippe Duperron, président de l’association 13onze15. Il l’affirme : « Nous ne nous trompons pas de procès, nous savons que celui-ci n’est pas celui des attentats. Reste que, pour nous, parents, survivants, c’est évidemment douloureux, même si nous avons appris à vivre avec. »

« Il reproche au tribunal de le considérer comme un présumé coupable, alors qu’il ne cherche même pas à se défendre », relève pour sa part Guillaume Denoix-de-Saint-Marc, porte-parole de l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT). A ses yeux cependant, l’interrogatoire de l’autre prévenu, Sofien Ayari, a permis de mettre en lumière « quelques éléments du puzzle ». « On comprend que ce logement conspiratif (ndlr, la planque de la rue du Dries à Forest) recèle à la fois des terroristes des attentats du 13 novembre (2015 à Paris) et du 22 mars (2016 à Bruxelles) et que cette cellule vivait », souligne-t-il.

L’AFVT s’est associée à la demande de constitution de partie civile de l’association belge V-Europe, qui a donné lieu à de vifs échanges avec la défense de Salah Abdeslam. L’audience a été suspendue vers 11h40, son avocat, Sven Mary, ayant demandé à s’entretenir à ce sujet avec son client.

« C’est très rare qu’un accusé garde le silence au cours d’un procès »

Patrick Baudouin avocat à la Cour de Paris est notamment pénaliste en droit international. Il réagit au choix de Salah Abdeslam de ne pas répondre aux questions lors de son procès. Il confirme que son silence est « très frustratoire » pour les familles des victimes.

Est-il courant qu’un accusé décide de ne pas répondre lors de l’audience ?

C’est assez rare, même très rare. Cela arrive quelques fois pendant l’instruction mais, généralement, lors de l’audience, l’accusé se décide à parler. Par choix ou parce que ses avocats ont réussi à le convaincre de s’exprimer. Il y a quelques années un terroriste que j’ai défendu était resté silencieux pendant toute l’instruction. Mais lors du procès il est sorti de son mutisme. Salah Abdeslam aurait pu changer de ligne aussi au moment de l’audience.

L’accusé est-il sanctionné dans ce cas ?

Il n’y a aucun moyen de le faire sortir du silence. C’est d’ailleurs un droit de la défense de renoncer à parler. Il n’y a donc pas de sanction particulière. En revanche, cela ne profite généralement pas à l’accusé de refuser de coopérer avec la justice.

Le procès peut continuer normalement ?

Les débats se poursuivent mais évidemment cela les écourte. C’est très frustratoire pour la juridiction et surtout pour les parties civiles, les familles des victimes.

Propos recueillis par Rosalie Lucas

Date : 05/02/18
Auteur : Pascal Egré
Source : Le Parisien

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