"20 ans après l’attentat du RER B à Saint-Michel, toujours pas de définition du terrorisme"

Un bruit assourdissant, une odeur âcre, une fumée noire. Le 25 juillet 1995, vers 17h30, une bouteille de gaz qui vient d’exploser dans une rame du RER B à la station Saint-Michel marque le début de la campagne d’attentats en France revendiquée par le GIA algérien.

Sept morts : Annie Aupeix, Maria-Isabel Barbosa, Véronique Brocheriou, Maria-Odette Fereira, Sandrine Girier-Dufournier, Jean Groll, Alexandre Hurtaud. Pierre Henri Froment décédera, après bien des souffrances, en novembre, au moment où sa femme mettra au monde leur deuxième fille. Le nom des victimes est très vite oublié, contrairement à celui qui commet de tels crimes et qui occupe souvent la une des médias.

L’engin explosif, placé sous un siège, composé de poudre noire, de chlorate de soude, d’écrous, de vis et de clous, était fait pour tuer, expliqueront les experts de la police nationale.

Les deux principaux auteurs de cette vague d’attentats, les Algériens Boualem Bensaïd, 37 ans, et Smaïn Aït Ali Belkacem, 37 ans, ont été condamnés par la Cour d’assises de Paris, le 30 octobre 2002, à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une période sûreté de 22 ans. Le grand absent de ces procès fut Rachid Ramda, le financier de ces attentats, arrêté le 4 novembre 1995 à Londres. Pendant dix ans, le Royaume-Uni a refusé de l’extrader, en dépit des nombreuses démarches des victimes regroupées au sein de l’association SOS-Attentats (l’association s’est auto-dissoute le 20 octobre 2008). Il ne l’a été qu’en 2005, après les attentats de Londres. La Cour d’assises de Paris l’a condamné définitivement le 13 octobre 2009 à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans.

Il aura fallu attendre le 11 septembre 2001 pour que le mandat d’arrêt européen se mette en place et que les procédures d’extradition au sein de l’Union européenne soient simplifiées et plus rapides. Vingt ans après les attentats de 1995, Boualem Bensaïd, également condamné comme complice de l’attentat du Musée d’Orsay le 19 octobre 1995 et auteur de celui du métro Maison-Blanche le 6 octobre 1995, continue de formuler régulièrement des demandes de mise en liberté.

Comment quantifier la perte d’un proche ?

Mais surtout, vingt ans après, les familles et les victimes se souviennent, toujours attentives aux actes de terrorisme qui se perpétuent inexorablement. Difficile d’oublier, difficile de se reconstruire ; la vie continue, différente. La santé de certains blessés s’est aggravée ; il a fallu pour certains quitter la région parisienne car prendre le métro était devenu impossible, changer de travail, d’environnement, construire une nouvelle vie familiale.

La création en 1986 du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme (FGTI) financé par une contribution de solidarité nationale (fixée depuis dix ans à 3,30 euros) et prélevée sur chaque contrat d’assurance de biens a permis d’indemniser plus de 4000 victimes du terrorisme mais aussi 240.000 victimes d’agressions. Mais cette indemnisation ne résout pas tout. Comment quantifier la perte d’un proche ? Que fait-on pour favoriser la réinsertion sociale ? Certaines séquelles ne sont pas quantifiables et chaque attentat vient réactiver des souffrances anciennes.

Pendant très longtemps, les politiques ont été dans le déni. Selon eux, le terrorisme déclinait -discours entendus en 1985 puis en 2007. Aujourd’hui, il fait partie de nos préoccupations majeures et chacun sait que le risque zéro n’existe pas. Nous avons toujours dit que le terrorisme était une nouvelle forme de guerre et nous avons bataillé pour obtenir en 1990 une loi accordant le statut de victime civile de guerre aux victimes, permettant ainsi aux enfants de parents victimes ou victimes eux-mêmes d’obtenir le statut de pupille de la Nation.

Aujourd’hui, nul n’est à l’abri. La France, l’Europe et de nombreux pays mettent en place de nouvelles dispositions de prévention et de répression. Certains s’en offusquent et manifestent leur réprobation au nom des libertés individuelles. De quelles libertés disposent celles qui souffrent ? Où mettre le curseur entre sécurité et liberté ? À SOS Attentats, nous avons toujours été vigilants quant au respect des droits de la défense, nous n’avons jamais été pour le tout-répressif, ni pour la peine de mort.

Solidarité vis-à-vis des victimes

Le terrorisme évolue. Les terroristes utilisent de nouvelles technologies, affinent leur propagande, entraînent des centaines de jeunes venus d’Occident dans une folie meurtrière, asservissent les femmes, mènent un combat idéologique contre tous les pays, contre nos valeurs démocratiques, construisent leur propre État et tentent de conquérir le monde.

Face à cette menace, nul n’a la solution. Mais il est regrettable que l’Europe peine à mettre en place une politique harmonisée, que la coopération internationale progresse lentement, que l’ONU ne soit pas en mesure de proposer une définition du terrorisme afin de créer ainsi une justice pénale internationale lorsque des États s’abstiennent de poursuivre les auteurs, les complices et ceux qui financent le terrorisme.

Le législateur a adopté de nouvelles dispositions de prévention et de répression. Mais, le gouvernement doit aussi se monter plus attentif et plus à l’écoute des victimes, notamment à travers le Fonds de garantie où siègent des représentants des ministres de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires sociales et des Finances.

En outre, n’oublions jamais la mémoire de ceux qui sont décédés, en les nommant, en étant solidaires et en portant leur parole au-delà de la mort. La solidarité vis-à-vis des victimes reste la meilleure réponse pour maintenir la cohésion sociale et l’unité nationale.

Par Françoise Rudetzki, fondatrice de SOS Attentats. Membre du Conseil d’administration du FGTI.

Crédit photos : Source : L’express.fr Auteur : Françoise Rudetzki Date : 24/07/2015

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